La chevelure relève du domaine de l'intimité. Ici elle dissimule une autre intimité à travers la diffusion en boucle d'une vidéo captée en Tunisie. Le visiteur est invité à se glisser dessous pour la visonner. Seul le son indique que quelque chose se passe à l'intérieur de cette masse pileuse.
En 2016, j’ai été invitée par l’association « Les amis des arts plastiques » à participer à la manifestation Borj en péril dans le cadre de Sfax capitale culturelle arabe. Cette manifestation consistait en un parcours où chaque borj devenait le lieu d’une exposition, d’un spectacle, d’un concert ou d’une lecture. Un circuit était organisé en cars. Ainsi dans chaque lieu débarquaient à un rythme soutenu 30 à 50 personnes. Historiquement le borj est une habitation d’été, située en périphérie des villes, au confort rudimentaire, plutôt réservée aux hommes. La présence progressive des femmes va modifier la configuration intérieure. Une nouvelle pièce apparaît, la cuisine. La richesse de cette bâtisse est le terrain attenant composé d’un potager, d’une oliveraie et d’un verger. Avec l’étendu des villes, le borj se retrouve au centre et son terrain est très convoité par les promoteurs immobiliers. Ici le projet consistait à mettre à disposition dans un salon, des coupons de tissus et des épingles à nourrisse. Des visiteuses étaient invitées à s’habiller à l’aide de ces tissus tout en racontant des souvenirs d’enfance autour du textile. La séance d’habillage filmée, était retransmise en direct dans un salon voisin. Chaque captation dure environ 5 minutes. Dans La Fissure des intimités la captation a duré plus de 15 minutes ; la jeune femme s’étant totalement prise au jeu. Cette vidéo est brute, dans sa captation, son montage et dans le son. Ce dernier est le témoin d’un brouhaha quasi permanent qui traduit une ambiance sonore et une activité caractéristiques de la ville tunisienne. Ce qui est frappant dans la plupart des captations c’est le fait de se voiler le visage au cours de l’habillage. Ce geste typiquement oriental est un geste culturel. De même que la façon d’assembler, de plier les tissus, de les manipuler, l’utilisation des nœuds, leurs formes... deviennent des signes culturels. À travers les souvenirs évoqués, on perçoit la répartition des rôles dans la maison. Le monde des femmes est partitionné de celui des hommes et chacun en fonction des occupants et des moments devient un étranger dans sa maison.
Fils et arceaux en acier, H : 230 cm, diam : 100 cm - Vidéo La Fissure des intimités, durée 13’35. Diffusion en boucle