Chez l’homme et les animaux supérieurs le cœur est un viscère rouge en forme de cône renversé, situé dans le médiastin, essentiellement constitué d’un muscle (myocarde) doublé de deux tuniques (péricarde, endocarde), divisé ultérieurement en deux parties distinctes qui présentent chacune deux cavités communicantes (oreillette en haut, ventricule en bas) - agent principal de la circulation sanguine doué d’un réseau nerveux autonome qui assure son fonctionnement automatique, mais placé sous l’influence du système nerveux central.(1) Le cœur est cet organe, dont le fonctionnement nous échappe mais dont nous percevons la nécessité vitale.
C’est à partir du XVIIe siècle, qu’il désigne de façon générale ce qui appartient à l’ordre affectif par opposition à l’ordre rationnel et intellectuel. Surmonté d’une croix, il rejoint l’iconographie chrétienne, s’opposant au corps et à la chair. Le langage fait un usage abondant du mot et il serait vain ici de répertorier les expressions le contenant.
Cette polysémie du cœur devient une matrice fertile. Loin de l’évoquer comme une machine, la tentative de traduire des variations du sentiment amoureux par un jeu combinatoire entre l’organe et le symbole a pour vocation de mettre en lumière nos façons d’aimer. Echafaudée comme une quête, impossible mais somme toute humaine, la rencontre amoureuse entretient l'espérance d'un idéal. L'amour avec un grand A se joue de la figure du prince et de la princesse où la promesse de l'or et du diamant sont les attributs de l'éternel. Dans des versions plus modernes, ces caricatures grotesques alimentent le rêve de nos bambins et ancrent des mutations stéréotypées qui nous semblaient d'un autre âge
Des images sont cachées au centre, pour ne pas dire au cœur, d’une housse de vêtement géante qui devient l’espace du corps. De différentes corpulences construites à partir d’un matériau souple, le tissu, elles se jouent des échelles et des volumes selon la situation et le déplacement. Ces cœurs cachés s'offrent au regard de celui qui, munis de gants blancs ouvre les housses. Son ouverture n’est pas synonyme de « traversée du miroir » mais prend acte de la proximité physique, du corps à corps qui n’a de sens que lorsqu’il permet de rendre compte de la relation à cet objet autrement dit à l’autre, ou, à soi. Et c'est bien des relations humaines, celles du contact, de la rencontre in corpo qu'il s'agit de défendre, celles qui se dess(e)inent imprévisibles et surprenantes et dont l'aboutissement est une éternelle inconnue.
C’est à partir d’un mélange de signes dont la forme stylisée de l’organe cardiaque en une figure conventionnelle, et des images médicales incompréhensibles pour le néophyte mais saisissantes par leur abstraction et leur complexité, que l’élaboration graphique et formelle se constitue. La retranscription se libère des tensions de la main et dilate les amplitudes du geste.
Peu de couleurs. Blanc, noir et rouge marquent le caractère primitif et primordial. Les matériaux traduisent l'éclat, la transparence. Ils se jouent de la lumière et des reliefs tandis que la broderie s'inscrit comme la trace d'un dessin construit lentement, patiemment. Elle est un tatouage où le fil marque le tissu (Absence) comme l’encre imprègne la peau. Métaphore de la scarification elle vient ourler les contours, voire boursouffler ceux de la plaie (Excision). Ce contexte fibré où le fil matérialise la tension, la sienne propre, celle de la retranscription graphique mais aussi celle qu’il laisse figurer, nous renvoie à notre condition.
Bling-bling fait référence au monde du rap, aux bruits des chaînes qui s’entrechoquent. C'est le goût pour le clinquant, pour tout ce qui brille. Un sentiment tout en façade capable de renvoyer l'éclat, mais juste celui-ci. Il est cette petite fabrique de cœurs à la manière des nuages de fumées chez les Indiens Apaches qu'un vent dissipe. Quant à Artifices il est « coup de foudre », instant intense, lumineux et magique, mais éphémère. Sécheresse traduit un flétrissement cardiaque par pauvreté, rareté de sentiments qui peut aller jusqu'à l'absence. Est-elle possible ? Recouvert de fil blanc jusqu'à l'effacement, sa trace, sa présence reste visible (Absence). Gangrène telle une cellule cancéreuse parasite et se propage comme une rancœur (état de ce qui est rance). Quand Arachnée, à la recherche de sa proie, montre les limites du sentiment, Excision s'engage. Epiderme renvoie à un contact plus physique, charnel avec son implantation pileuse. « Pan » tire le coup fatal avec Freud et sa « petite mort » (La petite mort). Mécanique générale combine l'emboîtement des pièces de plomberie et la délicate transparence des perles de rocaille jusqu'à l'éjaculation discrète mais certaine. Circulation tourne sans cesse peut-être à la recherche d'un sens. Flux se calque au réseau sanguin, strates successives et innombrables construisant son maillage. La nuit de noces se couvre de tatouages au henné pour se protéger du mauvais œil. Et à l'image d'un amour idéal, I love you s'offre intact sans malformation.
(1) Centre national des ressources textuelles et lexicales
Ce projet a bénéficié d'une aide de la DRAC Franche-Comté, du Rectorat de Besançon, de la Fabrique à Andrézieux-Bouthéon.